Selon une étude de l’INPES publiée en 2019, les Français ne dormiraient plus en moyenne que 6h42 par nuit. Alors que la durée de sommeil recommandée est de 7h, les Français se créeraient donc 18 minutes de dette de sommeil chaque jour. Mais alors la dette de sommeil, c’est quoi exactement ? Et quels sont les risques pour la santé ? On vous dit tout.
La dette de sommeil, c’est quoi?
Dette de sommeil: définition
L’expression dette de sommeil est employée pour parler d’un manque de repos chronique. À titre scientifique, on peut lui préférer le terme d’hyposomnie. Toutefois, l’expression dette de sommeil contient en elle-même une métaphore financière qui est pertinente pour appréhender ce problème de santé. Quand elles sont répétées, les mauvaises nuits peuvent effectivement se cumuler pour produire des conséquences d’autant plus négatives. C’est donc comme en finances.
Prenons un exemple : Lena est étudiante et doit se préparer pour des concours. Ce faisant, avec le stress et le temps de révision, ses nuits se raccourcissent. Au premier jour, elle se réveille après avoir dormi une heure de moins qu’à l’accoutumée. Sa dette de sommeil est donc d’une heure. L’effet sur sa santé, sur son énergie et sur sa motivation reste encore relativement modéré. Mais au deuxième jour de ses révisions, Léna se réveille encore une heure trop tôt. Prise sur deux jours, sa dette de sommeil est désormais de deux heures. L’effet cumulé de ces deux mauvaises nuits produit dès lors des conséquences plus graves sur son organisme.
Manque de sommeil: quand la fatigue s’accumule
Comme on peut alourdir une dette financière au fil d’emprunts répétés, la dette de sommeil grossit avec l’accumulation de nuits écourtées. Ainsi, même un manque de sommeil de 15 minutes par nuit produit des effets significatifs au bout d’une semaine. Or, comme toute dette, la dette de sommeil doit un jour être remboursée. Seule spécificité, c’est en l’occurrence notre corps le créancier. Pour cette raison, quand viennent le week-end ou les vacances, que le réveil reste éteint, on est enclins à faire grasse matinée. L’allongement de nos nuits permet ainsi de rembourser la dette de sommeil précédemment accumulée. Malheureusement, il arrive parfois que des dormeurs ne disposent pas d’assez de vacances pour décompresser. La dette de sommeil peut alors déboucher sur des problèmes graves, comme le burnout.
Causes et conséquences de la dette de sommeil
La dette de sommeil constitue un vrai problème de santé. Comme tout problème médical, elle a ses causes ou facteurs favorisants, et ses conséquences nocives.
Les causes d’un manque de sommeil
Les causes d’une dette de sommeil sont multiples, et varient beaucoup selon la situation individuelle de chacun.
#1. Stress lié aux responsabilités professionnelles et familiales
Sans nul doute, le stress lié aux responsabilités de la vie courante fait partie des causes les plus communes. En effet, une situation de stress chronique contribue à la sécrétion par les glandes surrénales du cortisol. Hormone stimulante, nous permettant de faire face au danger, le cortisol force l’état d’éveil et perturbe l’endormissement. Nouveau travail, prise de nouvelles fonctions, investissement financier, évènements relationnels ou familiaux, etc. Tout ce qui tend à perturber la tranquillité de notre routine est potentiellement facteur de mauvais sommeil. Suivant des composantes génétiques, nous ne sommes cependant jamais égaux face au stress. Chez certains dormeurs en particulier, celui-ci peut être vraiment mal vécu et induire rapidement un insomnie chronique.
Notons par ailleurs, en matière de responsabilités familiales, que la naissance d’un nouvel enfant est une cause fréquente de dette de sommeil, car le quotidien se voit quelque peu chamboulé.
#2. Choc émotionnel (deuil, solitude, dépression, etc.)
Par ailleurs, un choc émotionnel peut aussi perturber le sommeil. Des mécanismes biologiques plus subtils encore peuvent ici être en cause. Il est connu notamment, que les personnes traversant une dépression dorment souvent mal la nuit. Les chercheurs pensent que ce symptôme est lié à la sérotonine. Composé chimique produit par le système nerveux, la sérotonine participe à la motivation et au bonheur. Mais c’est aussi un précurseur de l’hormane du simmeil : la mélatonine, puissant somnifère endogène produit par le corps à la tombée de la nuit. Chez une personne déprimée, le manque de sérotonine pourrait induire un défaut de la fabrication organique de mélatonine. D’où la perturbation du rythme circadien.
#3. Emploi du temps surchargé
L’accumulation du travail, des passions et des sorties durant la semaine est aussi à l’origine d’une dette de sommeil chez les hyperactifs. On oublie parfois que pour trouver le sommeil, il faut se ménager le temps de décompresser avant de se coucher. Une heure en silence le soir, à lire ou méditer, facilite l’endormissement spontané.
#4. Surconsommation d’excitants
Quant à la consommation d’excitants, elle est aussi à mettre en cause. Le café notamment est indissociable du mode de vie moderne et urbain. Dans les bureaux, il stimule la réactivité des travailleurs en recherche d’un coup de boost. Néanmoins, boire du café trop tard dans l’après-midi nuit clairement à la qualité de la nuit suivante. Plus précisément, une étude publiée en 2013 dans le Journal Clinical Sleep Medecine a montré que la caféine produit des effets significatifs jusqu’à six heures après la dernière prise1.
La nicotine et les boissons énergisantes font également partie des substances à éviter le soir. Quant aux activités sur écrans, et en particulier les jeux vidéos, elles produisent également des effets excitants reconnus.
#5. Manque de vacances/week-end
Enfin, il faut noter que les temps de repos sont essentiels dans la vie pour rattraper le sommeil en retard. Aussi, le week-end permet par les grasses matinées qu’il nous octroie de récupérer après une semaine éreintante. Dans le cas où l’on ne profite pas assez de ces temps de décompression, la dette de sommeil peut croître jusqu’à atteindre un point critique.
Les conséquences physiologiques et psychologiques
Mal dormir comme mal se nourrir nuit à votre santé. Tant que le manque de sommeil reste léger, les effets sont bénins et rapidement réversibles. Déprime, agressivité accrue, difficulté à se concentrer sont des marqueurs de fatigue assez commun. Cependant, quand la dette de sommeil s’installe, les troubles de santé deviennent vite plus graves.
1. Affaiblissement immunitaire
Au quotidien, le système immunitaire fonctionne moins bien lorsqu’on manque de sommeil. Ainsi, le corps est moins apte à se défendre contre les maladies. De façon bénigne, on tombe plus facilement enrhumer, et on met plus de temps à s’en remettre. De plus, avec une dette de sommeil qui s’accroît, le risque de contracter une infection grave augmente également.
2. Déficiences organiques
De la même façon, certaines fonctions biologiques essentielles se mettent à dysfonctionner quand votre corps manque de repos. Par exemple, une recherche menée par l’université de Bruxelles a montré qu’une dette de sommeil diminue la sensibilité à l’insuline2. Ce phénomène augmente le risque de prise de poids, et à long terme celui d’obésité et de diabète de type II. Plus grave encore, le manque de sommeil prolongé multiplie par quatre le risque d’AVC3.
3. Accroissement du risque d’accidents de la route
Le manque de sommeil s’accompagne aussi d’une diminution de la vigilance, d’un affaiblissement des réflexes. On estime d’ailleurs que rester éveillé pendant 17 heures produit les mêmes effets sur l’attention que 0,5g/l d’alcoolémie4. Il en résulte un risque plus grand d’avoir un accident de la route.
4. Troubles du développement et de l’apprentissage (chez l’enfant)
Enfin, le manque de sommeil peut avoir des conséquences graves sur le développement des jeunes gens. À ce propos, une étude édifiante a été publiée par l’INSERM en 2016. Les chercheurs ont montré que les adolescents présentant une dette de sommeil chronique ont moins de matière grise que les autres. Leur cerveau reste donc durablement moins performant, avec le risque d’échec scolaire associé.
Comment récupérer d’une privation de sommeil?
Alors, comment récupérer d’une privation de sommeil ? Voici quelques éléments de réponses pour retrouver un repos réparateur.
Miser sur la sieste
La sieste est un bon moyen de récupérer d’un manque de sommeil. Les études ont montré qu’après une nuit blanche, une sieste est particulièrement récupératrice, rapportée à sa durée relative. De plus, la sieste, si elle ne dépasse pas 30 minutes, ne risque pas de provoquer un décalage de l’heure de sommeil le soir. À la différence d’une grasse matinée le lendemain, elle limite donc le risque de décalage du rythme circadien.
Augmenter la qualité des nuits à venir grâce aux bonnes pratiques
Pour récupérer plus vite d’une dette de sommeil, il est aussi important de favoriser la qualité des nuits au quotidien.
1. Rituels de coucher
Ritualiser son coucher fait partie des astuces les plus conseillées pour mieux dormir. C’est d’ailleurs en pratique ce que la plupart des parents apprennent à leurs enfants. Ainsi, les enfants suivent souvent un processus strict avant d’aller se coucher qui les aide à mieux s’endormir. D’abord se mettre en pyjama, puis se brosser les dents, lire une histoire, dire bonne nuit, et enfin éteindre la lumière. La récurrence d’un processus ainsi bien orchestré est rassurante. Elle apaise le corps et favorise la déconnexion des problèmes vécus pendant la journée.
2. Obscurité et ambiance calme pour favoriser l’endormissement
Pour des raisons évidentes, savoir créer une ambiance apaisante dans votre chambre pour dormir est essentiel. Les micro-réveils, parce qu’ils perturbent l’enchainement des cycles de sommeil, nuisent grandement à la récupération, même s’ils ne représentent que peu de temps perdu.
3. Literie de qualité
Bien sûr, investir dans une nouvelle literie représente un budget conséquent. Parfois aussi, on priorise avec d’autres dépenses, et on pourrait considérer un peu vite que le renouvellement de la literie peut attendre. Considérez toutefois que, selon l’INSV, la durée de vie d’un matelas est de 10 ans7. Au-delà de cette durée, votre matelas s’affaisse inéluctablement et nuit à votre sommeil. Or, retarder un investissement financier à ce moment, c’est prendre le risque d’en être éprouver plus tard avec votre santé.
Un sommeil en décalage, est-ce réparateur?
La réponse est oui, mais partiellement. Résilient, le corps humain est fait pour optimiser les temps de récupération quand la dette de sommeil s’accumule. Il existe en effet dans notre cerveau une substance chimique, sécrétée constamment pendant l’éveil, qu’on nomme l’adénosine. Par son action inhibitrice, l’adénosine favorise l’endormissement quand sa quantité dans le cerveau dépasse un certain seuil. De plus, l’adénosine n’est éliminée que pendant les phases de sommeil profond. Lorsqu’on manque de sommeil après une nuit écourtée, l’adénosine n’a donc pas été tout à fait éliminée. À mesure que la dette de sommeil s’accroit, l’adénosine s’accumule donc aussi. Cette accumulation interjournalière a une fonction régulatrice5. Elle favorise une entrée plus rapide et plus durable en sommeil profond, permettant de réguler sa teneur cérébrale6.
Or, le sommeil profond est sans doute le plus important pour l’organisme. C’est notamment pendant cette phase du sommeil que la reconstruction cellulaire est la plus complète. Ainsi, le week-end, vous pouvez vous lever après une bonne nuit de sommeil en vous sentant parfaitement reposé. Votre corps aura pu compenser avec une ou deux heures de plus une dette parfois trois ou quatre fois plus élevée grâce à ce mécanisme biologique.
Cependant, cette compensation ne concerne de fait que les fonctions organiques élémentaires. Malheureusement, l’accroissement du temps de sommeil profond se fait au détriment du temps de sommeil léger et du temps de sommeil paradoxal. Ces deux phases, quant à elles, ne sont jamais rattrapées. Or, ces phases du sommeil ont aussi leur utilité, notamment sur les processus liés à la maturité et à l’apprentissage.
FAQ – dette de sommeil
Comme les adultes, les bébés aussi peuvent accumuler une dette de sommeil avec les mêmes conséquences néfastes pour leur santé. Cela se produit notamment si votre bébé se trouve perturbé pendant son sommeil à cause d’un environnement bruyant. Pour l’aider à récupérer, il est important de lui ménager dès que possible un environnement calme. Laissez-le ensuite dormir jusqu’à ce qu’il se réveille de lui-même.
Le manque de sommeil est un problème de santé sérieux, et l’automédication est déconseillée. Certains signes ne trompent pas : déprime, crises de colères ou de larmes, somnolence diurne, migraine au réveil. Autant de troubles souvent avant-coureurs de problèmes plus graves. Si vous êtes concerné, parlez-en dès que possible à votre médecin traitant. Il saura au besoin vous orienter vers un spécialiste.
Plus haut dans cet article, nous avons évoqué les problèmes les plus graves liés au manque de sommeil. Ceux-ci comprennent notamment le risque d’AVC accru, le risque d’accident de la route et la défaillance immunitaire.
La sieste (en particulier la semaine) est un bon moyen de rattraper le manque de sommeil. En général, on conseille de ne pas dépasser 30 minutes pour ne pas décaler l’heure d’endormissement le soir. En revanche, n’hésitez pas à vous plonger dans le noir pour maximiser votre récupération.
Sources :
1. https://jcsm.aasm.org/doi/10.5664/jcsm.3170
2. http://www.psychomedia.qc.ca/diabete/2015-05-07/sommeil-insuline
3. The World Health Organization MONICA Project (monitoring trends and determinants in cardiovascular disease): a major international collaboration. WHO MONICA Project Principal Investigators. J Clin Epidemiol 1988;41:105-14. Source ASFA – Constat d’accidentologie – 2007
5. https://www.inserm.fr/dossier/sommeil/
6. https://www.em-consulte.com/article/209140/sleep-regulation-through-adenosine-neurotransmitte#7. https://institut-sommeil-vigilance.org/wp-content/uploads/2019/01/Actu-Carnet-Sommeil-Literie.pdf